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Crash (La vitesse comme moteur d’individuation)

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Chaque culture a ses mythes fondateurs, et la culture occidentale construite sur le culte de la technique et de la science, ne fait pas exception à la règle. Pour Jeffrey Schnapp, le « Manifeste du futurisme » (1909) de Marinetti représente bien un texte majeur dans la mise en place des récits de la naissance du modernisme culturel, par le dépassement des mythologies antérieures. Le chercheur américain étudie alors ici le mythe fondateur du futurisme, et l’apparition de la figure de l’homme moderne, à travers la voiture qui file à toute allure. Il interroge au sein de cet article le choix de l’objet automobile lancé à grande vitesse pour incarner cette métamorphose, et qu’est ce qui justifie l’insistance portée sur l’accident, comment déclencheur de ce mouvement ?

Jeffrey T. SCHNAPP. “Crash (Speed as Engine of Individuation)”, Modernism/Modernity, Johns Hopkins University Press, Vol. 6, no. 1, January 1999, p. 1-49. Extraits traduits de l’anglais par Laurent Bury, in Anne CHANIOLLEAU et Olivier PEYRICOT (dir.). Autofiction, n°1, Autocritique [fanzine]. Saint-Étienne : Cité du design, 2022, p. 8-17.

Aujourd’hui, nous vivons affirmativement dans nos moments automoteurs, moments où le conducteur trône en roi, en souverain, en tyran1.

Au volant, plus d’un Américain tend à se transformer en un dieu2.

Chaque culture a ses mythes fondateurs, et la nôtre, bâtie sur le culte de la technique et de la science, ne fait pas exception à la règle3. Si beaucoup de textes et d’artefacts fondateurs prétendent résister aux séductions de la mythologie au nom d’un meilleur des mondes postmythologique, d’autres – peut-être plus honnêtes et clairvoyants – identifient cette posture même comme le mythe fondateur de la modernité. Le rêve de dépassement de toutes les mythologies antérieures constitue un mythe révolutionnaire. Il promet l’accès à un Olympe technique, dépassant l’histoire mais également célébrant l’avènement d’une nouvelle humanité héroïque émancipée des chaînes de la temporalité. Un de ces textes est le Manifeste du futurisme publié en 1909, document qui, malgré toute son emphase et son outrance, mérite bien la place centrale qui lui fut très tôt assignée dans les récits de la naissance du modernisme culturel. Le manifeste s’ouvre sur un télescopage d’objets qui est aussi un conflit intergénérationnel. Le texte oppose le cuivre perforé d’étoiles des lampes de mosquée à leurs « cœurs électriques » : ampoules dont l’intensité est étouffée, ampoules qui semblent lutter pour s’échapper. Les lampes de mosquée en cuivre renvoient à tout un inventaire d’objets – assiettes, meubles, tapis d’Orient – que l’auteur du manifeste, Filippo Tommaso Marinetti, avait hérité de son père. Ces objets rappellent que le poète avait grandi en Égypte, à Alexandrie, mais ils cristallisent, ce faisant, tout ce que le manifeste identifie ensuite au terme « passéisme » : indolence ancestrale, célébration des choses mortes ou moribondes, lassitude du monde, goût pour le précieux, le mystérieux et l’exotique, répugnance pour le présent. L’univers paternel, contemplatif et centré sur le passé, et dont témoigne la décoration de l’appartement du poète, situé via Senato, à Milan, est pratiquement abandonné dans le deuxième paragraphe du manifeste. Le catalyseur de cet abandon est le flux de la circulation urbaine. Le passage d’un tramway et le rugissement des automobiles attirent Marinetti et ses jeunes amis dans les rues où, baignés dans l’éclatante lumière artificielle de la nouvelle sphère publique, ils peuvent déclarer avoir surpassé la « Mythologie » grâce à l’apparition de deux nouveaux modes de transport : les automobiles (« Nous allons assister à la naissance du Centaure ») et les avions (« nous verrons bientôt voler les premiers anges4 ! »).

La mythologie est dépassée, de l’avis de Marinetti comme de ses contemporains. La technologie actualise ce qui n’était jadis qu’un rêve poétique ou une fiction théologique. Elle donne naissance aux machines « vivantes », qui sont aussi des machines à vivre : des machines qui, parce qu’elles sont dotées de pouvoirs d’agentivité, d’intuition et d’autonomie morale, peuvent servir de prothèses pour améliorer le corps et la psyché. Deux complexes corps/machine sont mentionnés dans les passages que je viens de citer : le complexe conducteur/automobile figuré par le centaure et le complexe pilote/avion figuré par l’ange. Le premier structure l’épisode central du manifeste de 1909 : la fuite automobile vers la périphérie de la ville qui aboutit à une collision, véritable acte de naissance du futurisme5. Ce trajet en voiture et cet accident, ainsi que l’impact transformateur qui leur est attribué, me serviront de tremplin pour les réflexions suivantes. Avant l’accident, Marinetti semble prisonnier d’un univers fin-de-siècle, de lampes de mosquée et de tapis persans ; après sa renaissance dans « la bonne boue des usines, pleine de scories de métal, de sueurs inutiles et de suie céleste », il apparaît comme le nouvel homme métallique dont une ampoule est le cœur battant, prophète d’un évangile adressé à tous les hommes vivant sur Terre et qui prétend « chanter l’amour du danger », « exalter le mouvement agressif, l’insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing », glorifier la guerre comme « seule hygiène du monde », et prôner la démolition des lieux de mémoire comme les musées, les bibliothèques et les académies6. La nouvelle humanité forgée par ce rite d’initiation occupe le siège du conducteur, au propre comme au figuré : « Nous voulons chanter l’homme qui tient le volant, dont la tige idéale traverse la Terre, lancée elle-même sur le circuit de son orbite », énonce le cinquième point du manifeste7.

Deux questions se posent au cœur de la présente enquête. Premièrement, pourquoi avoir fait le choix d’une automobile roulant à toute allure comme véhicule de cette métamorphose que j’estime emblématique de la transformation de l’homme prémoderne en homme moderne ? Deuxièmement, pourquoi cette insistance sur le caractère traumatique de cette naissance (ou pourquoi faut-il un accident pour résoudre l’affrontement initial) ? Les réponses que je propose sont nécessairement de l’ordre de l’hypothèse mais elles placent le mythe fondateur du futurisme au point culminant d’une anthropologie de la vitesse et du frisson qui s’est élaborée au cours des deux siècles précédents : une « anthropologie » qui n’envisage pas le mouvement accéléré comme un événement physique neutre qui laisserait intacts le voyageur et le contexte dans lequel il voyage. Au contraire, la révolution des transports, aux xviiie et xixe siècles, a précipité des changements perceptuels et psychiques fondamentaux chez les sujets humains et dans les fantasmes régissant leurs modes d’interconnexion avec les paysages traversés et vus ; changements qui suggèrent un lien étroit entre l’histoire des technologies de transport et celle des appareils optiques, de la phantasmagorie au cinéma, de sorte que l’histoire des véhicules automobiles est d’emblée celle des images mobiles ; changements qui brouillent à tel point la distinction entre les catégories du réalisme et de l’hallucinatoire ou du fantastique qu’ils exigent que l’on repense l’idée répandue selon laquelle le modernisme marque une révolte contre le naturalisme8.

L’essai qui suit9 ne se conçoit guère autrement que comme le tour d’essai d’une réflexion que la course, une fois lancée, mènera à un projet de livre qui, dans sa version complète, inclura une lecture détaillée de l’accident relaté par Jean-Jacques Rousseau dans ses Rêveries du promeneur solitaire ; une étude sur John Mytton, amateur de sport et passionné d’accidents, à cheval ou en calèche, et une autre consacrée aux magiciens du cinéma que furent Georges Méliès, R. W. Paul et Mack Sennett, codificateurs de l’accident comme procédé comique. L’itinéraire se réduira ici à quelques raccourcis, en commençant par la Lettre de Brutus sur les chars anciens et modernes (1771), de Delisle de Sales. Viendra ensuite Thomas de Quincey, dont l’expérience hallucinatoire du paysage vu du haut d’une diligence préfigure ses imaginations induites par l’opium ; des caricaturistes comme George Cruikshank10; le Andy Warhol du début des années 1960, dont les Car Crashes sérigraphiés coïncident avec les premières icônes de Liz Taylor. Nous terminerons avec cette même actrice hollywoodienne, dans la collision qui l’unit à Vaughan, le héros du roman de J.G. Ballard Crash ! (1973). Au terme d’une vie d’accidents, l’existence de ce personnage trouve son apogée avec « sa seule vraie collision », un chef-d’œuvre automobile pour lequel il répète depuis toujours, mais aussi un échec puisqu’il s’agit d’une vraie collision11. Cinq hypothèses complémentaires nous serviront de lignes directrices. Premièrement, une bifurcation fondamentale se produit au début du xixe siècle entre des modes de transport centrés sur le passager et des modes de transport centrés sur le conducteur, ou, pour le dire autrement, entre transport de masse et transport individuel, que ce soit dans le vécu ou dans l’imaginaire qu’ils suscitent, ou dans les types de discours qui sont élaborés pour les réglementer et les représenter. Deuxièmement, dès que la technologie fut en mesure d’amortir suffisamment le choc entre la surface parcourue, la force de propulsion et le voyageur individuel, il devint possible d’envisager la vitesse comme une sorte de drogue, un intensifiant, un excitant moderne12. Troisièmement, le sujet humain de cette vitesse – le conducteur, en général – que je qualifierai plus loin de sujet cinétique, une fois remodelé par l’expérience répétée de ce stimulant, se trouve pris dans une boucle d’addiction, menacé par la monotonie, d’une part, et par le besoin constant de nouveaux stimuli pour conserver ce même niveau d’intensité, d’autre part. Quatrièmement, l’accident devient un élément nécessaire de cette structure en boucle, il en garantit la légitimité (en cristallisant l’intensité même qu’il incarne), il lui sert de procédé régénérateur (en déclenchant un nouveau cycle d’hyperstimulation) et marque une limite absolue (la mort). Cinquièmement, toute collision suppose un témoin, ou mieux, un voyeur pour en relayer le stimulus au reste du monde. En bref, l’accident apparaîtra comme le lieu d’une forme de trauma qui, contrairement aux récits traumatocentriques qui dominent la modernité, n’engendre ni blocage psychique ni nouvelles formes assurées de régimentation ou d’aliénation. Au contraire, dans les œuvres que je prends en considération, le trauma, c’est le grand frisson. Le frisson en question peut être onéreux ou à vil prix, public ou privé, exalté ou humble, mais quelle que soit sa nature, il représente, selon moi, une écriture spécifiquement moderne du sublime. Au xviiie siècle, le sublime transportait les esprits enfermés dans des corps immobiles ; aux xixe et xxe siècles, il happe des corps qui sont eux-mêmes transportés. Dans les deux cas, il joue un rôle clé en engendrant des formes modernes d’individualisme et en laïcisant le surnaturel qu’il resitue dans le quotidien. Si le conducteur était un dieu ou un ange de l’époque prémoderne, les dieux ou les anges de l’époque moderne tiendront les rênes ou seront assis au volant, identifiant ainsi l’individualité à la possession et à la maîtrise du véhicule. […]

L’augmentation de la vitesse comme thématique culturelle, son entrée dans le domaine quotidien du perceptible, son adoption comme sacrement de l’individualisme moderne, ne devint possible qu’avec le développement d’amortisseurs mécaniques entre cavalier, cheval et route. Sur ces amortisseurs viennent se greffer d’autres formes d’attachement imaginaires, d’abord entre le conducteur et le moteur, puis, selon une logique plus complexe, entre conducteur, moteur, véhicule et/ou paysage. […]

Une chose est certaine : un seul shoot de vitesse ne suffit jamais. Que ce soit dans la logique des parcs d’attractions, des cultures modernes des transports, des mouvements révolutionnaires, des médias d’information, ou des avant-gardes politico-culturelles, un frisson ne peut être suivi que d’un autre frisson. De même, après l’accident, c’est l’accident. De Quincey passe de la diligence aux opiacés, Marinetti passe des automobiles aux avions puis à la guerre, l’amateur de sensations fortes passe d’une attraction à l’autre ; rêves révolutionnaires de révolution permanente. […]

La vitesse est le médium qui garantit que le couplage entre individus humains et individus mécaniques produit non pas détente et ennui, mais une vie augmentée : intensification des perceptions sensorielles, mise en éveil des facultés, expansion des pouvoirs de vision, actes d’héroïsme, d’improvisation et d’innovation ; accidents et catastrophes spectaculaires ; éclats de rire et de joie. Pour atteindre cet effet, la vélocité doit, cependant, éviter de basculer dans la routine. Seule une augmentation constante du stimulus qu’elle procure peut parer au danger que ce danger même soit chassé du champ perceptif. Pas moyen d’échapper à la boucle d’addiction qui en résulte, ou à ses apories. La hausse permanente du stimulus finit par engendrer une résistance et/ou l’ennui même qu’elle était censée éviter. Ce qui laisse l’accident comme seul moyen de sortir de la boucle. Mais tout comme la vitesse peut devenir routinière, l’accident peut lui aussi se normaliser. Même Vaughan, prophète de l’Autogeddon à venir chez Ballard, est forcé d’admettre que « rien ne ressemble plus à un accident de voiture qu’un autre accident de voiture13 ». La menace peut être écartée en variant tous les détails de la collision, comme dans Lizzies of the Field (1924) de Mack Sennett, avec ses carambolages protéiformes, ou dans Le Voyage à travers l’impossible (1904) de Méliès, où les accidents en série accouplent les voitures aux piétons, aux trains, aux zeppelins, aux vaisseaux spatiaux et aux bâtiments, dans une atmosphère d’équipée joyeuse où tout est détruit sans que, pour autant, personne ne soit blessé. Toutefois destiné à devenir un « accident normal » comme bien d’autres, l’effet stimulant du crash doit nécessairement s’atténuer, sans quoi il conduit à un accident « vrai » et définitif : celui qui met un terme au cycle par la mort du conducteur. Le seul moyen d’éviter l’accident normal est donc de transformer chaque accident en répétition générale de la collision fatale, première représentation qui sera aussi la dernière.

« Je veux être une machine, et je sens que tout ce que je fais, et que je fais comme une machine, est ce que je veux faire14. » Cette citation qui tourne en rond est tirée d’une interview de 1963, durant laquelle Andy Warhol explique la genèse simultanée de sa série Death in America et de ses sérigraphies inspirées par Liz Taylor et Marilyn Monroe15. Ces images émergent de son obsession pour les icônes de la culture pop : elles vont des Car Crash de Jim Dine en 1959 aux compressions de voitures de John Chamberlain datant des années 1960 et 197016. Mais alors que Dine sonde l’univers des blessures psychosexuelles et que Chamberlain confère un panache lyrique aux capots et aux pare-chocs tordus, c’est Warhol qui, seul, met un terme provisoire à l’histoire de Crash ! En effet, ses motifs de stars et de voitures rejouent la problématique du frisson et de sa répétition, ici centrale dans mon enquête, de manière plus exhaustive et plus originale. Dans la série Death in America, l’idéal d’agir comme une machine se traduit dans un système non récursif mais répétitif d’images terribles de voitures et de conducteurs enchevêtrés qui se détachent sur des aplats d’orange, de jaune, de vert, de rouge et de blanc, de telle sorte qu’elles se font écho tant au niveau interne qu’externe, jamais sans irrégularités ou accidents visuels. Les différents clichés, qui explorent une sorte de no-man’s-land entre le sensationnalisme photojournalistique et l’aspect clinique des photos prises par la police sur les lieux d’un accident, se livrent librement au commerce du frisson voyeuriste. Mais celui-ci parvient au regardeur par un détour. L’attrait du sujet est mis à distance par la sérigraphie qui rehausse le grain photo noir et blanc, pour être réintroduit sous la forme de plans colorés créant un aspect ornemental dissonant qui aplatit le frisson et le rend « cool ». L’idylle du pop art et du crash de voiture naît dans un contexte d’après-guerre, dans lequel l’automobile fonçant sur l’asphalte est naturalisée, tout comme le train fonçant sur les rails au moment de la naissance du futurisme. Cette naturalisation s’effectue par des moyens similaires : via toute une gamme de technologies conçues pour isoler le conducteur et le passager de la route, et pour isoler, à son tour, la route du reste du monde – suspensions améliorées, habitacles passagers transformés en cocons scellés, équipés de leur propre système sonore et climatique ; et réseaux rationalisés de super-autoroutes. Pierre angulaire de l’univers utopique d’une banlieue sans histoires régulièrement évoqué dans les photographies de Warhol, l’automobile conserve un verso sublime et dangereux apparenté à la diligence de De Quincey et au requin tueur de Marinetti. À la fois prothèse améliorative pour « les rêveurs, les artistes et les gens déclassés » (Victor Hugo, De Bordeaux à Bayonne) et accélérateur de tremblements auto-érotiques, la voiture reste pour Warhol un individu mécanique rappelant le manège du parc d’attractions. Star en soi, l’automobile est également le véhicule des stars et une fabrique à stars. Mais elle ne l’est jamais autant que lorsqu’elle entre en collision avec un public ou pour un public. Dans chaque accident, la voiture et les conducteurs deviennent, selon Ballard, « les principaux acteurs d’une pièce grinçante, improvisée dans un théâtre de la technologie, où se seraient mêlés les deux voitures défoncées, l’homme mort et les centaines d’automobilistes dans les coulisses, tous phares allumés17 ». Est-il étonnant, dès lors, que Warhol ait également pu produire des icônes célébrant absolument tout, des calèches aux automobiles18? Pas vraiment. Mais même lorsqu’il applique le slogan futuriste selon lequel « une automobile rugissante […] est plus belle que la Victoire de Samothrace », on sent que le théâtre improvisé de la technologie est désormais vu, pour ainsi dire, depuis l’autre bout de la culture du frisson. L’ego et l’œil de l’artiste se sont déplacés du premier lieu de l’« impériale » et ses frissons enflammés vers un endroit plus distant de feu glacé, habité par un voyeur mécanique omniprésent. La machine en question, la machine que Warhol aspire à devenir, ce n’est pas l’automobile, mais plutôt l’appareil photo. Son automatisme, la vitesse à laquelle il capture les images, la reproductibilité et la manipulabilité de sa production, potentiellement illimitées, font de l’appareil photo l’orchestrateur de séquences de carambolage réel ou imaginaire, si vastes et répétitives qu’elles pourraient aisément remplir n’importe quel « musée de la provocation et du possible19 ». Autrement dit, pour Warhol, l’appareil photo comme machine à frisson conduit inexorablement à l’appareil photo comme machine à monotonie. À ses yeux, les machines consistent avant tout à « aimer les choses », et aimer les choses signifie se conduire en machine « parce qu’on fait la même chose tout le temps. On la refait sans arrêt20 ». L’histoire de Crash ! se termine sans fanfare ni jérémiade, mais se résout d’une manière que le manifeste fondateur du futurisme n’aurait même pas su envisager : l’émergence de l’ennui lui-même comme le plus grand frisson qui soit.